En opposition à + et –, à 0 et
1, on dirait qu’il y a un espace en creux qui serait : rien. Un espace silencieux, vidé du crépitement chiffré de
nos machines numériques où le retour à soi pourrait s’opérer. La création numérique pose cette question du « bruit persistant » à celui qui manipule les machines et les œuvres ainsi
produites ne manquent pas de le rappeler : elles portent la marque d’un processus complexe qui peine à se faire oublier.
Etienne Cliquet, plasticien, visite ces questions. C’est un peu sa matière première et il apporte
des éléments de réponse sous forme d’objets ou d’installations qui m’ont désarmé :
cohérentes, évidentes, légères et simples comme le papier. De IPV6 en passant par la puce électronique, la complexité de l’objet ou du protocole
représenté est décalée et incarnée dans des lignes de pliage d’une simple feuille de papier. Le crépitement s’efface et le
zen absolu du pliage de cette puce droite sur ces connecteurs de papier s’installe paisiblement dans un coin silencieux de mon esprit.
L’analyse critique qu’il semble
mener se propage tel un virus à son site lui-même. En effet, en matière de site internet, les questions d’habillage et de chartre graphique sont centrales pour rendre un site attractif. On se
retrouve vite avec une architecture de pages Internet complexe associant différentes polices de caractères et parfois de nombreux plug-in. Même si l’ordinateur s’acquitte de cette tache
facilement, l’œil et l’esprit ne sont pas dupes et savent ce qu’ils doivent à cette complexité organisée. La réponse d’Etienne est radicale : son site
lui-même obéit aux fonctions par défaut de la machine. Aucune « complexité ajoutée » mais un
affichage standard, par défaut, sans intervention pour embellir, enrichir ou dynamiser les pages. L’écran est face à moi et la page étonnement fraîche sans double fond qui s’affiche est une page,
juste une page. Et un certain silence s’installe.
IPV6 d'Etienne Cliquet