blog du sculpteur Stéphane Gantelet

Plongée au cœur de la matière. C’est en tout cas ce que je ressent alors que je passe de nombreuses journées à souder, tesseler, interpoler, multirésonner, relâcher, biseauter, optimiser, insérer, rétracter, éditer, geler, mapper, courber, comprimer et finalement fatiguer mon objet de convoitise virtuelle. Il y a un gouffre entre cette pratique du volume et celle que j’ai vécu de manière quotidienne et intense durant des années en fonderie d’art. D’ailleurs j’ai toujours aimé cette plongée dans le passé que provoque une fonderie traditionnelle : tout est recouvert d’une poussière blanche (la potée à base de plâtre du moule de fonderie) fondant toute couleur dans une vision soudain noir et blanc du temps où la photo couleur n’existait pas. Pourtant là, au dessus du clavier, sur mon écran, les couleurs sont des outils précieux de l’aide à la construction d’une toile d’araignée délirante pour devenir un volume, une sculpture. Et je ressent cette adrénaline, cette attention minutieuse et tendue vers une réalisation qui prends forme peu à peu au travers d’un processus long, ponctué d’étapes, qu’il ne faut pas bâcler sous peine d’anéantir tout espoir d’aboutir à une forme valide. Car valide, une sculpture en bronze tout autant qu’au cœur d’un logiciel 3D peu ne pas le devenir si les contraintes techniques ne sont pas digérées au cœur de sa propre mécanique créatrice. Dur apprentissage qui me laissait à moitié sourd, salle et éreinté à la fonderie et qui aujourd’hui, propre comme un sous neuf derrière mon ordi, me laisse les yeux carrés, au format de l’écran, et le dos dur comme du bronze à force de crispation sous l’effort de cette gymnastique cérébrale.

On vit une époque formidable.