Travailler donne souvent à penser. C'est en tout cas ce qui m'arrive depuis que je travaille à la réalisation d'une huitre à facettes en inox poli,
sorte de version disco de l'huitre de Bouziques. Je ne dis pas que c'est penser bien loin mais cela pose suffisement de questions pour que j'ai envie d'en parler ici. Parmi les artistes que je
suit régulièrement sur le net à l'affût de leurs nouveaux travaux figurent des artistes tel que Xavier Veilhan ou Arik Levy pour leur approche du volume lié à la modélisation. Pourtant face à leurs réalisations quelque chose me dérange. Ou plutôt me tiens à distance et me renvoi
à moi-même avec des questions du type: qu'est ce que tu veux faire? Et bien en travaillant à assembler les 251 faces en inox de 2 mm de mon huitre j'en viens à me poser la question de l'aspect
final. De la finition en quelque sorte. Les artistes que j'ai cité travaillent avec des artisans d'une grande maitrise technique à la réalisation d'un volume irréprochable. On imagine mal en
effet acheter un smartphone avec une grosse rayure sur l'écran. Pourtant, dans son jus estampillé "travail en cours", échouée sur le plan de travail de l'atelier, cette huitre bientôt refermée
qui montre dans ses entrailles tout les réseaux de tiges soudées dont la fonction est de rigidifier en les reliant les faces de l'huitre me plait et me fait quasiment regretter de ne pas avoir
mis dehors ce qui est dedans. Le savoir faire d'un grand artisan efface les traces de son passage sur l'objet pour que visuellement il paraisse parfait. J'ai vraiment envie de faire le contraire.
Quelque chose se raconte dans la logique artisanale de construction d'un truc aussi bizarre qu'une huitre disco. Et puis on est des artistes et on construit pas des smartphones après tout!
L'huitre ouverte.
Photos d'Ernest Puerta