Pas moyen de dormir.
J'ai un projet dans la tête dont les contours flous mais travaillés de l'intérieur à se préciser par des envies, des images et
des procédures. Ce projet est une collaboration avec Eric Barbier un plasticien que j'apprécie beaucoup depuis que j'ai découvert son "jardin des déesses Mappa" à Chaumont il y a quelques années.
Le magasine Géo l'a depuis consacré dans son numéro spécial "les 100 plus beaux jardins du monde" en élisant son jardin (en collaboration avec Rémi
Duthoit).
Pour ce projet on travail pour une grosse entreprise et tout à la fois un organisme d'état. bref, je ne veux pas passer à
côté.
Cet été j'étais plongé dans les cubes noirs de
Tony
Smith qui n'ont pas une profondeur minimale comme le mouvement "minimaliste" auxquels ils se rattachent semble l'indiquer. D'ailleurs, à l'époque tentant d'enfoncer le clou, Donald Judd déclarais à cet effet "ce que vous voyez est ce que vous voyer". manière de dire que cette boite est une boite et rien de plus. Au
travers du livre "ce que nous voyons ce qui nous regarde" de Georges Didi-hubermann j'ai plongé dans cette boite qui semble
finalement me regarder à son tour, me regarder et me poser des questions. Un état inattendu face à une simple boite sensée n'être rien d'autre qu' un
objet. Et puis j'ai rencontré un poète dont j'aime infiniment les livres qui rabotent et dynamitent avec une simplicité désarmante les postures littéraires pour faire éclore du neuf et nous
livrer des mots beaux comme des camions. Mon poète est aussi plasticien et prof d'art dans une grande école. Je lui parle de mon voyage dans le cube sous le patronage de Didi-hubermann et il me
réponds qu'il en à rien à foutre des universitaires qui prennent l'art comme sujet d'étude et que ces types sont hors-jeu. Leur érudition sur ce terrain est déplacée et s'apparente à une OPA sur
l'art. Une prise de pourvoir en somme. Pour comprendre il faut lire et écouter les artistes, pas les universitaires. Tout à coup je me sent de nouveau travaillé de l'intérieur. Le livre de
Didi-hubermann qui jongle avec les concepts philosophique je le vis intensément. je veux dire que je le vois, que des images apparaissent puis s'effacent, des connexions se font et se défont et
tout ce travail intérieur de tricotage visuel et intellectuel produit des effets durables de sidération, émerveillement et de doutes. finalement du fonds de ma boite noire les mots de mon poète
ajoutent un nouveau regard sur moi. C'est comme si les mots de Didi-hubermann et les expériences que je vis avec ces mots devenaient à leur tour une source d'inquiétude parce qu'ils ne sont pas
tout à fait ce qu'ils semblent êtres. Eux aussi me regardent. lorsque je dis qu'ils me regardent je veux dire qu'ils produisent des questions sur la nature de l'expérience que s'assemble dans ma
tête et que ces questions semblent attendre des réponses que je ne peux pas donner.
Hier à la radio c'était au tour de Michel Onfray de critiquer la
pratique de la psychanalyse Freudienne et de développer des arguments, avec une certaine mauvaise fois, pour démontrer la prise de pouvoir intellectuelle d'un groupe constitué. Pourtant chez le
psy pour pas mal de monde il se passe des expériences fortes. En entendant Michel Onfray la nature de mes expériences dans ce domaine m'interroge. Donc m'inquiètent.
Nos propres expériences semblent nous regarder et nous poser des questions lorsque le regard de l'autre les remets en jeu. Elles
semblent nous demander des réponses.
j'ai du mal à dormir;
J'ai un projet dans la tête dont les contours flous mais travaillés de l'intérieur à se préciser par des envies, des images et
des procédures qui me regardent et m'effraient. C'est ça qui est bon dans la création et c'est peu être dans ce jeu que l'art échappe à tout pouvoir. Un peu comme si la réponse attendu était
finalement une question mal posé. J'ai envie de parodier Donald Judd et de dire " ce que vous voyez n'est pas ce que vous voyez".