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blog du sculpteur Stéphane Gantelet

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183 - Sortie officielle ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Publié le 3 Juillet 2017 par Stéphane Gantelet

183 - Sortie officielle ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Carriet 360, le projet de jeu vidéo né de ma résidence de deux mois à l’artisterie de Carriet à Lormont en début d'année est en ligne depuis ce matin.

L'idée etait de reconstruire Lormont et créer de la sorte un univers virtuel en 3D navigable bricolé et surtout irrigué par les propositions des habitants du quartier de Carriet lors de mon séjour parmi eux.

Au cours de la residence, très rapidement un noyau dur de jeunes entre 8 et 14 ans s'est formé et j’ai construit mes propositions de travail avec ce public en m'appuyant surtout sur les logiciels et en m'interdisant dans la mesure du possible de me dire que c’est trop compliqué pour eux. L’objectif n'était pas tant de leur apprendre à faire que de leur montrer qu’on peut faire.

Avec les groupes constitués (école, IME, etc.) les propositions s’appuyaient sur un élément graphique du jeu (nuages, avatars, arbres, etc.) et permettaient d’articuler un déroulé sur la durée de la session au contraire du public des 4h d’ouverture quotidienne. En effet la vraie difficulté qui m’a beaucoup questionné et inquiété durant la résidence est d’intéresser un public de consommateurs de jeux vidéo à créer avec des outils logiciels nécessitant l’application de procédure à l’opposé du principe de plaisir et de rapidité que propose le jeu vidéo commercial. Ajouté à cela durant le créneau horaire de 16h à 20h de presence les jeunes viennent quand ils veulent, le temps qu’ils veulent. En bref, ils sont là uniquement si ça leur plaît.

 

Dans ces conditions, apprendre à utiliser un logiciel avant de pouvoir créer un objet 3D ou un élément graphique n’est pas une option. J’ai donc tenté la “plongée” dans le logiciel pariant sur le rapport naturel que les jeunes entretiennent avec l'ordinateur. Je me suis appuyé sur des logiciels simples tel que Sculptris, Magica Voxeller, SketchUp entre autres. Une autre manière de faire a été le bricolage scanné qui offrait la possibilité de passer par la pratique et le bricolage “en vrai” avant de le numériser et de le traiter sous logiciel.

Un pattern régulier tout au long de la résidence a été de fabriquer des maisons simples en 3D, de les déplier virtuellement pour obtenir un patron avant de les imprimer et réaliser ainsi la maison en papier plié. La maison en papier pouvait dès lors être peinte et retravaillée avant d'être scannée et intégrée au jeu vidéo. Nous avons utilisé également des logiciels professionnels à quatre mains (eux et moi) pour optimiser, animer des maillages 3D, créer des textures et du contenu numérique. Le point d'entrée du projet qui repose donc sur le territoire où habitent ces jeunes nous a donné l’idée de commencer par arpenter ce territoire. Nous avons donc installé ViewRanger sur leur mobile et organisé des balades dans le quartier afin de récupérer les fichiers GPS et créer le terrain en 3D leur proposant de la sorte de ne pas systématiquement être assis devant l’ordinateur.

Il n’en reste pas moins que, dans ces conditions, les créations sont fabriquées d’un jet excluant tout retour en arrière et regard critique qui permettraient de les améliorer. La question de la qualité du travail et donc de l'utilité de l'intervention des jeunes pour nourrir le contenu du jeu vidéo final a été un questionnement permanent. En d'autres termes je me suis souvent demandé si ce que nous faisions à l’artisterie ne relevait pas de l’animation sans lendemain. Curieusement la réponse s’est faite d’elle-même de manière très naturelle du fait du processus de fabrication. En effet, les passages du réel au virtuel que j’ai cherché à favoriser et à multiplier dès que possible ont contribué à donner un caractère bien particulier à ces créations ajoutant à l’un quelque chose de la nature de l’autre.

 

Ainsi le jeu a acquis quelque chose que je souhaitais dont je ne connaissais pas la nature visuelle. Durant la résidence, des jeunes ont fait spontanément des propositions que nous avons systématiquement favorisées et intégrées au jeu tel que des raps avec vidéoclips. Nous enregistrions souvent les séances de travail et là encore très vite le micro nous a échappé et je me suis retrouvé avec des heures de rush audios qui allaient constituer bien plus qu’une matière sonore pour agrémenter un jeu. Car dans cette tentative généreuse et un peu cinglée de construire avec des néophytes des choses qui passent par des outils technologiques compliqués bien qu’accessibles, une chose s’est produite. Il n’a jamais été question de faire un jeu de guerre ou d'aventure. L'idée était de faire un plateau ouvert à arpenter et découvrir en 3D temps réel (FPS) sans réel gameplay.

Lorsque je me suis retrouvé seul avec toute cette matière foutraque et curieusement particulière pour un jeu vidéo, j’ai compris que l’intuition que j'avais eue en début de résidence apparaissait ici de manière évidente et donnait à l'expérience de jeu un caractère reflexif : un jeu vidéo qui parle de lui-même. Dans Carriet 360 le jeu vidéo est un sujet pour lui-même et Carriet, la scène de ce retour sur la fabrication d’un monde virtuel. Ainsi la question de la qualité, du niveau de détail, du son du jeu se trouvent résolus et la moindre création des jeunes trouve ici une place naturelle qui en dit long sur le jeu lui-même et sur sa singularité. Concrètement lorsque je me déplace dans Carriet 360 au volant de la Twingo de Clémence – que nous avons scannée et qui a été repeinte par l’IME grâce à un logiciel de peinture 3D – et que je heurte un arbre, au lieu d’un son de tôle froissée, j’entends un son électronique fabriqué lors de sessions micro ouvert avec le synthétiseur de Rodrigo, éducateur de l’IME, accompagné des exclamations et fous rires du jeune qui vient tout juste de créer ce son. Dans cette production​ d’un jet micro ouvert, c'est bien plus qu’un son qui est créé, c’est toute une gamme d'émotions et d’expériences que ce son créé chez celui qui le fabrique au moment où il le fabrique. Et ce son est enregistré et restitué au moment du jeu.

En jouant à Carriet 360, l’atelier de création – l’artisterie – s’ouvre à nouveau livrant ce que créer un monde en 3D navigable a suscité chez ceux qui ont vécu cette expérience.  C’est vrai pour les jeunes, pour les animateurs et pour moi-même.

Dans l’exemple de la Twingo on comprend que le son n’est plus illustratif mais plutôt une transposition de ce qu’il est sensé illustrer. Cette expérience de jeu et ce rapport inattendu bien que lié propose quelque chose de l’ordre du plaisir artistique et de la poésie désintéressée.

 

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